19.6.07

210 - Astrakan Cafe



Anouar Brahem (oud)
Barbaros Erköse (clarinette)
Lassad Hosni (bendir, darbouka)


Un Orient indéfini prête son cadre à la rencontre de trois instruments complémentaires. Oud et percussions -bendir, darbouka- réfèrent certes à une géographie précise ; mais la clarinette qui se tient à mi-chemin entre les traditions des Balkans et un traitement plus moyen-oriental (Erköse est turc), voire indien lorsque, par ses glissandi, elle évoque la flûte bansouri, élargit le rapport circonscrit d’une mémoire et d’une terre à l’espace illimité du royaume des songes. Comme dans les déserts où la ligne d’horizon, toujours tremblante, s’évapore dans le ciel, l’haleine chaude, la douceur boisée, l’ample vibrato de l’instrument enveloppent l’auditeur d’une torpeur qui a bientôt raison de toute approche analytique. Le pari fait de l’envoûtement porte à une écoute nonchalante qui se laisserait submerger d’images et de parfums pour ne demander qu’à s’offrir aux clichés d’une poétique vague mêlant rudesse et préciosité. Une même ambivalence traverse la résonance des cordes, la frappe des peaux et le souffle exhalé. La limite s’estompe entre caresse et pincement, les sonorités s’épaulent mais les attaques peuvent se contredire, fugitivement. Le climat général, proche de l’alanguissement n’est pas démenti par de soudains emportements dont la fonction demeure ornementale. Ce qu’il y a d’abandon, de repliement parfois sur les abîmes de la méditation lorsque l’oud soliloque, n’aborde jamais les zones dangereuses d’une vraie douleur, toujours certain hédonisme vole au secours d’une âme à la dérive et la saisit sur sa pente pour la mettre sur le chemin d’une nostalgie plus aimable.

S’il est des mélodies faciles aux contours simples (Astrakan café), d’autres se lacent et se délacent sans se fixer, au gré d’équilibres subtils et transitoires (Hijaz pechref). Selon qu’on épousera le flottement des durées, la retenue nocturne, le versant fantasmatique et sa chaîne d’associations infinie ou qu’on exigera au moins de loin en loin la morsure d’un angle vif, cette même musique prendra le goût du miel ou celui d’un agréable sédatif. Verveine ou thé à la menthe, chacun doit savoir ce que son corps réclame. Mais les indécis trouveront aussi leur compte.

Chronic'Art




Depuis vingt ans qu’il laisse chanter son oud (ce luth traditionnel oriental) en toute liberté, Brahem a exploré tous les continents stylistiques auxquels l’instrument s’est trouvé lié un jour au cours de son histoire. Mêlant avec grâce différentes sensibilités modales du Proche-Orient et du Maghreb et les confortant amoureusement à divers types d’improvisations, le musicien tunisien s’est ainsi forgé au fil du temps une manière originale, à la fois aventureuse dans ses écarts pris avec la règle et respectueuse de l’esprit syncrétique de la musique arabe, évitant tout autant clichés orientalistes qu’hybridations mondialistes. Astakan Café apparaît, dans cet esprit, comme une sorte d’aboutissement esthétique de cette plongée personnelle au plus intime de la tradition. En trio, avec des complices de longue date, le clarinettiste turc d’origine rom, Barbaros Erköse, et le percussionniste tunisien Lassad Hosni, Brahem nous embarque dans un étonnant voyage mental, entre confidence amicale sur le ton de la conversation et rêverie méditative. Une musique rigoureuse et sensuellement ascétique qui tend à redéfinir les contours d’un univers poétique et culturel composite oscillant sans cesse entre pudeur et hédonisme, nostalgie et recueillement.
Stéphane Ollivier
Les Inrocks

Le SITE d'Anouar BRAHEM

Anouar Brahem est né en 1957 à Halfaouine dans la medina de Tunis. Sa vie de musicien débute lors de sa dixième année lorsqu'il entre au Conservatoire National de Musique de Tunis pour y apprendre le oud.

A 15 ans il se produit déjà dans les orchestres locaux et à dix-huit il décide de se consacrer entièrement à la musique. Durant quatre années, chaque jour, Anouar Brahem rejoint son maître Ali Sitri pour approfondir ses connaissances de la musique arabe classique et les subtilités de son instrument. Rapidement le musicien élargit son univers en le confrontant aux modes musicaux venus d'Inde ou d'Iran et découvre le jazz. Dès ses premières compositions il démontre que les possibilités du oud vont bien au delà du simple rôle d'instrument d'accompagnement. Ses concerts le font remarquer par la critique de son pays, mais les possibilités de travail que lui offre la scène musicale tunisienne ne sont pas satisfaisantes. La seule source de revenus pour un joueur de oud consiste à suivre des chanteurs de variétés interchangeables dans les mariages ou sur les plateaux de télévision.
En 1981, Brahem s'installe en France, où son talent s'épanouit au contact d'autres artistes. Il compose pour le chorégraphe Maurice Béjart et, en 1983, collabore avec Gabriel Yared pour la musique du film de Costa Gravas "Hanna K". Pendant quatre années il se produit avec succès dans différents festivals à travers l'Europe. En 1985, Anouar Brahem réunit à Carthage des musiciens turcs tsiganes, tunisiens et des jazzmen français, pour interpréter sa pièce instrumentale "Liqua 85" qui lui vaut le grand prix tunisien de la musique. En 87, il accepte la direction de l'ensemble musical de la ville de Tunis. Il transforme cette lourde machinerie en créant des petits groupes qui alternent répertoires classiques et créations. Il remet au goût du jour la forme originelle de l'orchestre traditionnel le "takht" où chaque instrument devient tour à tour soliste en improvisant sur le thème de base. Il travaille sur d'anciens manuscrits et collabore avec le poète Ali Louati pour créer des chansons qui reprennent les formes anciennes. La suite chantée "Ennaoura el achiqua" lui apporte la consécration nationale.
Par la suite il travaillera avec de grands chanteurs tels Nabiha Karaouli, Sonia M'Barek, Saber Rebaï ou Teresa de Sio. Ironie du sort sa chanson "Ritek ma naaref ouin" inspirée du folklore et interprétée par Lotfi Bouchnak deviendra un immense succès dans les bals de mariage. En 1990, Anouar Brahem quitte l'ensemble musical de la ville de Tunis et s'embarque dans une tournée en Amérique du Nord. Peu après il devient responsable du "Centre des musiques arabes et méditerranéennes" mais il désire se concentrer sur sa carrière. Sa rencontre avec Manfred Eicher, le fondateur du mythique label ECM, va lui donner la possibilité de donner libre cours à son imaginaire musical. Son premier album "Barzakh" (91) fruit de sa collaboration avec les virtuoses tunisiens Bechir Selmi et Lassad Hosni et le second "Conte de l'incroyable amour" (1992) avec le clarinettiste Barbaros Erköse et le joueur de nai turc Kudsi Erguner lui permettent de développer de riches idées sur la musique méditerranéenne contemporaine. En 1993, il décide son maître Ali Sitri à remonter sur scène en sa compagnie pour une série de trente concerts à guichets fermés, basés sur le répertoire traditionnel maghrébin et oriental, instrumental ou chanté par Sonia M'Barek. En 94 c'est un profond respect mutuel qui réunit Brahem et le saxophoniste norvégien Jan Garbarek.

Leur disque "Madar" enregistré avec l'aide du joueur de tablas pakistanais Shaukat Hussain est un bel exemple d'échanges fructueux entre deux musiciens à la quête similaire, celle d'une tradition universelle. L'album de 1995, "Khomas", est pour le Tunisien l'occasion de reprendre librement des thèmes qu'il a composés pour des films avec un sextet qui comprend notamment l'accordéoniste Richard Galliano. Le disque "Thimar", sorti en 97, est le témoin d'une nouvelle rencontre qui transcende les genres avec le bassiste Dave Holland et le saxophoniste-clarinettiste John Surman. Ils présenteront ce répertoire sur les scènes du monde entier. Avec l'an 2000, Anouar Brahem atteint, selon ses dires, la fin du second cycle de sa carrière. L'album "Astrakan Café", enregistré en compagnie de ses fidèles amis Lassad Hosni et Barbaros Erköse, propose une collection d'une limpide cohérence de thèmes traditionnels, d'anciennes compositions et de nouvelles pièces. Une nouvelle fois il nous prouve que la musique tunisienne peut à la fois être riche, fière de ses racines et totalement moderne.
Benjamin MiNiMuM
Mondomix

(lien dans le commentaire)

6 commentaires:

EdkOb a dit…

http://www.mediafire.com/?1zwbmbqpjxp

Bonne écoute, en passant

EdkOb a dit…

http://www.mediafire.com/?1zwbmbqpjxp

bonne écoute, en passant

Anonyme a dit…

thank you very much!

L a dit…

Wonderful Wonderful. MERCI !!

Anonyme a dit…

please repost. merci.

EdkOb a dit…

New link :

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Bonne écoute, en passant