Quand le dernier arbre aura été abattu,
quand la dernière rivière aura été empoisonnée,
quand le dernier poisson aura été pêché...
Alors, on saura que l’argent ne se mange pas.
GERONIMO
Loin de l'aphone imposée par les médias soumis d'aujourd(hui.
PassantEs, surveillez les chemins...
Au commencement de sa carrière de chanteuse, il y a une position unique dans un magasin des Halles de Paris, quartier alors en rénovation et qui est au centre de toutes les nouvelles tendances dans la seconde moitié des années 70. Chez Harry Cover, boutique de tee-shirts puis aussi de disques, qu’elle dirige avec son compagnon, le producteur Michel Esteban, elle est l’égérie du mouvement punk naissant. Elle avait plongé dans une nouvelle manière de jouer et vivre le rock à New York, où elle était correspondante de la revue Rock News, dans laquelle elle révélait cette révolution du fracas et du synthétique, révolution qui allait donner naissance à deux esthétiques à l’origine connexes, le punk et la new wave – c’est l’époque de Blondie, des Ramones, des Talking Heads, de Television, des New York Dolls, de Johnny Thunders, de Patti Smith…
Harry Cover devient le QG des premiers punks parisiens et Lizzy Mercier Descloux, lyonnaise d’à peine plus de vingt ans, vibre à l’unisson de ses camarades – les futurs Stinky Toys ou Asphalt Jungle. C’est dans cette énergie qu’elle enregistre son premier album, Press Color, en 1979, suivi de Mambo Nassau en 1980. Mais le mouvement punk se calcine à toute allure. L’aube des années 80 voit apparaître d’autres désirs, dont cette idée, agitée notamment par quelques journalistes d’Actuel et Libération, d’une "sono mondiale" – on ne parle pas encore de "musiques du monde" ou de "world music". Cela va être le choc de Mais où sont passées les gazelles, en 1984, adaptation d’une chanson sud-africaine, notamment célèbre dans l’interprétation de Mahlathini & the Mahotella Queens.
L’album, principalement enregistré en Afrique du Sud avec des musiciens du cru, précédant en cela de deux ans l’aventure du Graceland de Paul Simon, paraît chez CBS, une des majors du disque à ce moment, et va remporter le Bus d’acier, grand prix du rock français. Mais où sont passées les gazelles, sans monter au-delà de la trentième place du tout-puissant Top 50 de l’époque, va durablement marquer les esprits: pour la première fois, un artiste français remporte un succès en s’appropriant un idiome musical franchement extra-européen, sans chercher à l’édulcorer, à le folkloriser ou à l’adapter à une certaine idée du goût hexagonal.
Sur l’album, quelques adaptations de chansons sud-africaines frappent autant par leur énergie trépidante que par leur texte, comme Wakwazuku Kwezizulu Rock (single suivant Mais où sont passées les gazelles, avec un nettement moindre succès) dans lequel elle proclame: «Je te le dis noir sur noir/Laisse tomber les mots et la couleur de peau/Cheyenne aux yeux bridés/Dreadlocks à blanc, noir albinos/Profession métis, à prendre ou à laisser».
Malgré ses choix esthétiques et ses positions socio-culturelles très en pointe, le succès de l’album est un feu de paille. Les deux disques suivants, One for the Soul (1986) et Suspense (1988), n’éveilleront pas le même intérêt du métier et du public. Lizzy Mercier Descloux s’éloigne de la chanson.
Ces dernières années, installée en Corse, elle se consacrait à la peinture, et une exposition de ses œuvres est d’ailleurs prévue prochainement à Tokyo, au Japon. Atteinte d’un cancer, elle avait demandé que ses cendres soient dispersées dans la baie de Saint-Florent, en Corse. C’est seulement après que ses proches eurent exécuté cette volonté que la nouvelle de sa mort a été annoncée.
1 commentaire:
http://sharebee.com/810f7ee9
Du rythme, de 1979.
Loin de l'aphone imposée par les médias soumis d'aujourd(hui.
PassantEs, surveillez les chemins...
Au commencement de sa carrière de chanteuse, il y a une position unique dans un magasin des Halles de Paris, quartier alors en rénovation et qui est au centre de toutes les nouvelles tendances dans la seconde moitié des années 70. Chez Harry Cover, boutique de tee-shirts puis aussi de disques, qu’elle dirige avec son compagnon, le producteur Michel Esteban, elle est l’égérie du mouvement punk naissant. Elle avait plongé dans une nouvelle manière de jouer et vivre le rock à New York, où elle était correspondante de la revue Rock News, dans laquelle elle révélait cette révolution du fracas et du synthétique, révolution qui allait donner naissance à deux esthétiques à l’origine connexes, le punk et la new wave – c’est l’époque de Blondie, des Ramones, des Talking Heads, de Television, des New York Dolls, de Johnny Thunders, de Patti Smith…
Harry Cover devient le QG des premiers punks parisiens et Lizzy Mercier Descloux, lyonnaise d’à peine plus de vingt ans, vibre à l’unisson de ses camarades – les futurs Stinky Toys ou Asphalt Jungle. C’est dans cette énergie qu’elle enregistre son premier album, Press Color, en 1979, suivi de Mambo Nassau en 1980. Mais le mouvement punk se calcine à toute allure. L’aube des années 80 voit apparaître d’autres désirs, dont cette idée, agitée notamment par quelques journalistes d’Actuel et Libération, d’une "sono mondiale" – on ne parle pas encore de "musiques du monde" ou de "world music". Cela va être le choc de Mais où sont passées les gazelles, en 1984, adaptation d’une chanson sud-africaine, notamment célèbre dans l’interprétation de Mahlathini & the Mahotella Queens.
L’album, principalement enregistré en Afrique du Sud avec des musiciens du cru, précédant en cela de deux ans l’aventure du Graceland de Paul Simon, paraît chez CBS, une des majors du disque à ce moment, et va remporter le Bus d’acier, grand prix du rock français. Mais où sont passées les gazelles, sans monter au-delà de la trentième place du tout-puissant Top 50 de l’époque, va durablement marquer les esprits: pour la première fois, un artiste français remporte un succès en s’appropriant un idiome musical franchement extra-européen, sans chercher à l’édulcorer, à le folkloriser ou à l’adapter à une certaine idée du goût hexagonal.
Sur l’album, quelques adaptations de chansons sud-africaines frappent autant par leur énergie trépidante que par leur texte, comme Wakwazuku Kwezizulu Rock (single suivant Mais où sont passées les gazelles, avec un nettement moindre succès) dans lequel elle proclame: «Je te le dis noir sur noir/Laisse tomber les mots et la couleur de peau/Cheyenne aux yeux bridés/Dreadlocks à blanc, noir albinos/Profession métis, à prendre ou à laisser».
Malgré ses choix esthétiques et ses positions socio-culturelles très en pointe, le succès de l’album est un feu de paille. Les deux disques suivants, One for the Soul (1986) et Suspense (1988), n’éveilleront pas le même intérêt du métier et du public. Lizzy Mercier Descloux s’éloigne de la chanson.
Ces dernières années, installée en Corse, elle se consacrait à la peinture, et une exposition de ses œuvres est d’ailleurs prévue prochainement à Tokyo, au Japon. Atteinte d’un cancer, elle avait demandé que ses cendres soient dispersées dans la baie de Saint-Florent, en Corse. C’est seulement après que ses proches eurent exécuté cette volonté que la nouvelle de sa mort a été annoncée.
Bertrand Dicale
Enregistrer un commentaire