18.3.09

805 - Sylvain Guérineau "Dies Irae"


Un chant pluriel par Philippe Carles

De l'infradoux d'une résonance à l'extrême éraillement d'un gravissime, une errance en trois actes de méditation. C'est qu'au-delà de la tentation facile d'évoquer quelque « cri primal » synonyme de « free » ces 36’ de diva­gation n'en finissent pas d'évoquer un chant pluriel. Comme si l'urgence était la règle, dont ne témoignent pas seulement les bouffées, crises et accélérations, tous éléments que l'on retrouve dans la peinture (signée par le saxophoniste) accompagnant-enveloppant ce disque. Violences, contrastes paroxystiques, ardeur d'une telle cohérence qu'un sentiment se dégage de sérénité inouïe comme il arrive lorsqu'un niveau sonore devient si élevé qu'il finit par être perçu comme un silence d'une densité supérieure. D'où l'impression d'une inattendue complétude, guère éloignée de la facture superbement lisse d'une sculpture de Jean Arp : en fait, une manière de bibelot où se seraient fon­dues les alluvions trimbalées au fil des plus vives musiques, car ce « Jour de colère » est, dans son inéluctabilité de « premier jet », l'expression d'une vie jalonnée de rencontres : au sein d'un amateur Vendôme Quartet il y a qua­tre décennies, avec un contrebassiste nommé Francis Marmande, le long du Passage d'Eric Dolphy de Réda, des batteurs comme Alain Gerber Jacques Mahieux, Bernard Lubat, Sunny Murray, plus récemment avec Henry Grimes et Didier Lasserre, sans parler de la fréquentation fervente des émois et fureurs du jazz le plus incandescent. Jusqu'à cet album singulier, par son mode de production (tirage limité à cinq cents exemplaires, diffusion marginale), sa présentation d'une luxueuse simplicité, et sa logique — celle du rêve.

Sylvain Guérineau, « Dies Irae » • Sylvain Guérineau (as, bs).
Amor Fati FATUM 013
Chez les Allumés du Jazz


Jazz Magazine n° 585 - Octobre 2007

Dies Irae
Sylvain Guérineau : sax alto & baryton

"Entendons-nous bien : pour Sylvain Guérineau, jouer seul n'aura jamais été jouer la solitude, mais plutôt, comme son exact négatif, être entouré de sa vie entière. Tout en travail, comme on travaille le bois, toujours tendu vers le don et ce "point de magique utilisation des choses", ce "point phosphoreux où toute la réalité se retrouve, mais changée, métamorphosée" (Antonin Artaud, Le Pèse-Nerf, 1925). Perché dans sa chaire, il nous fait, et tant pis pour le jeu de mot, sentir la sienne, sentir le souffle (*), le métal et ses clefs ; prêt à faire se fendre les pierres de cette église de Luzarches, pleine soudainement, et vibrante comme un corps entier. Les micros n'avaient plus qu'à recevoir, ils n'en attendaient pas tant. Et, pour finir dans le renversement, comme pour dire une peinture incroyable, l'oreille regarde la musique de Sylvain Guérineau. Une musique au coeur immense."

Didier Lasserre

(*) Artaud encore, dans ses "50 dessins pour assassiner la magie" : "Or je connais la valeur plastique objective du souffle, le souffle c'est quelque chose dans l'air ce n'est pas de l'air remué seulement, c'est une concrétisation massive dans l'air et qui doit être sentie dans le corps et par le corps comme une agglomération en somme atomique d'éléments et de membres qui à ce moment-là font tableau."

1 commentaire:

EdkOb a dit…

http://rapidshare.com/files/210811413/SG_DI.rar

Qu'ajouter, après les mots de Philippe Carles et de Didier Lasserre (qui invoque Artaud) ?

Amor Fati, label à connaître.
Vite.