25.7.07

223 - On Croit qu'On En Est Sorti


Textes :
Georges Hyvernaud.
Quelques extraits de son livre "la peau et les os".

Site de la Société des Lecteurs de Georges Hyvernaud

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Hyvernaud, écrivain-citoyen


Un numéro de la revue Plein chant (témoignages, inédits, oeuvre critique) et la réédition de Le Wagon à vaches : un double hommage à celui qui racontait la condition humaine avec une infinie authenticité.


C'est souvent la même histoire quand il s'agit d'écrivains avec lesquels on se sent proches et que les manuels ont négligés. On a tendance à vouloir les réhabiliter, en consignant leurs témoignages, pour qu'ils assurent eux-mêmes leur propre défense. On décortique les textes, on fouille l'oeuvre, on recense leurs humeurs, à la recherche de quelques vertes sentences, pleines de ressentiments sur la médiocrité de leurs contemporains. Avec Georges Hyvernaud (1902-1983), la partie est perdue d'avance. "Je ne nourris pas d'illusions. On ne me lira pas dans cent ans, ni dans dix. (...) Triompher des siècles? Mais il faut travailler dans le bronze ou sur le marbre, pas sur les mots (...) lorsque on rêve de durer, on pense à un adolescent enthousiaste, à une ardente jeune femme. Et on n'aurait à faire qu'à des pédagogues et des écoliers." 1 Tout comme ses livres, Georges Hyvernaud était d'une grande modestie et d'une extrême lucidité. Ironie aussi, quelque peu désenchantée. La littérature? Elle s'adresse "à quelques douzaines d'originaux qui ont des loisirs, un fauteuil, le goût de la solitude et l'horreur du bruit", s'est-il plu un jour à noter. Attentif aux êtres, à leurs souffrances, à leur dignité, à leurs manières de s'arranger avec la vie, Hyvernaud était animé d'un humanisme à fleur de peau, avec cette petite pointe d'idéalisme attachante : il a toujours pensé que la culture -et ce conférencier savait de quoi il parlait- pouvait sauver l'homme de sa condition. Hyvernaud n'a jamais cherché les honneurs, méfiant et un peu revêche derrière ses lunettes à verres épais. Sartre et Les Temps modernes lui offriront pourtant l'hospitalité en 1946, qu'il déclinera. Toute sa vie, il l'aura consacrée à la littérature en l'enseignant à des générations d'instituteurs, à Arras, à Rouen puis à Paris. Déjà, à l'âge de 14 ans, rappelle sa femme, Andrée Hyvernaud, à qui la revue Plein chant a confié la direction de ce dossier hommage d'une très grande richesse, le futur professeur d'École normale assurait le cours de français à ses petits camarades pendant que le maître révisait sa licence dans un coin de la classe. Plus tard, de 1958 à 1972, Hyvernaud collaborera à Plaisir de lire, une collection à l'usage des collégiens, lancée par les éditions Armand Colin et dirigée par Jean Guéhenno. Critique également, ses articles étaient d'une étonnante sagacité. Stendhal et Montaigne avaient sa préférence, sans oublier Kafka et "notre frère Charlot", deux témoins importants de l'absurdité de notre quotidien.


Il a donc fallu attendre ces dix dernières années (grâce à Ramsay, Seghers et Le Dilettante) pour que les oeuvres complètes de Hyvernaud soient enfin disponibles. Deux de ses livres furent publiés de son vivant, largement autobiographiques, que l'histoire -peu soucieuse de contempler ses propres infirmités- préféra ne pas retenir. Jugés politiquement incorrect. Trop brutal, trop trivial. Lui, la grande histoire, il ne l'a pas oubliée. Elle aura eu au moins le mérite de révéler une oeuvre à venir. Le lieutenant Hyvernaud fut emprisonné dans un oflag de 1940 à 1945. Il y connut l'humiliation, la résignation, le dépouillement de soi : La Peau et les os (1949) est le récit de sa captivité; Le Wagon à vaches (1953), le journal de l'après-libération. Deux livres indissociablement liés par un même écoeurement. La déchéance contée à ras d'homme, sans fards, ni douleurs. Une description frontale de la réalité, en demi-teinte, à contre-jour, avec des phrases limpides et sèches qui claquent au visage des survivants. Deux récits d'une lente lobotomie : celle d'un homme cassé, vaincu, l'âme hébétée, une tumeur partout le corps, impossible à dissimuler : "Nous avons pris nos plis. Nous ne nous défriperons plus." Le narrateur du Wagon à vaches est un "pauvre type". Il est comptable chez Busson Frères, Eaux gazeuses. Sa vie est morne, bien loin du "complet sport" et des "bonheurs vernis". Il en bave et continue d'en baver, remontant à contre-courant le cours d'une époque poisseuse, aussi enfumée qu'une arrière-salle de bistrot. Un destin de pierre. Une grenouille dans un bocal. L'écrivain s'en excuse : "La vie manque de romanesque quand on est obligé de la gagner." Quelqu'un que l'on a parqué pendant cinq ans ne peut que claudiquer sa vie durant. "On marche, on marche, et au bout du compte on n'est pas plus avancé." Alors, il fait croire à ses voisins qu'il écrit un livre, pour gagner du temps, pour avoir une occupation, faire son chemin, comme les autres. Les autres, c'est Bourladou, l'entrepreneur en maçonnerie, emmaillotté dans ses conformismes de petit bourgeois; c'est le député Flouche que l'on soupçonne de culbuter la veuve Louchère; c'est la floppée de trouillards, de courageux qui baissent la tête ou haussent la voix en attendant le passage de l'équarrisseur. C'est aussi l'heure des grands débats. Marécasse est mort à Dachau. Il aurait été dénoncé par la Gestapo. Sa femme couchait avec "un Boche". "C'est un monument aux Résistants que nous voulons élever, ou un monument aux cocus?", clame-t-on au café du commerce.


Le Wagon à vaches est le récit d'un captif des temps modernes, englué dans un présent anémié et sans lendemain. C'est le constat amer d'une société alvéolée, fondée sur l'éphémère et l'efficacité dans laquelle les moins costauds sont laissés sur le bas-côté. À sa façon, avec un ton toujours pince-sans-rire, Hyvernaud place son regard sur la face pourrie de l'humanité. Et ce n'est pas les larmes qui lui viennent, mais la pitié et la révolte. Aujourd'hui, à une époque où règne la vacuité idéologique, son oeuvre est salutaire parce qu'elle évite tout écueil consensuel. Sans prendre les armes, juste la plume, le citoyen Hyvernaud organise la contre-résistance : un énergique plaidoyer pour la libération de l'homme par l'homme. Au moment de voter (?) la loi sur la cohésion sociale, ce monsieur aurait eu sûrement deux ou trois choses à dire.


Philippe Savary Le Matricule des Anges

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février 2001.
j’ai vraiment paniqué durant les minutes qui ont précédé cette rencontre. j’ai presque eu envie de m’enfuir. parce que serge teyssot-gay et son dernier album, on croit qu’on en est sorti, cette adaptation musicalement violente du non moins violent la peau et les os de georges hyvernaud (ce bouquin qui raconte les camps de prisonniers commme aucun autre), tout cela m’effrayait. oui, cela m’effrayait. ces évènements ont pourtant déjà eu lieu, "nous les connaissons", me direz-vous. ces évènements sont "acquis". c’est vrai. mais personnellement je ne les assume toujours pas. et là, c’était trop dur. en réinventant le disque qui s’écoute, teyssot-gay réinventait le disque impossible à écouter en entier. le disque inaudible. quant au livre, je n’ai jamais dépassé la page cent. parce que là, on ne parle ni de radio, ni de fanzine, ni de musique. on ne parle plus de choses temporelles. tout de suite, on n’est plus limité, on devient universel. finalement, cet entretien s’est transformé en simple discussion. et à la fin de ce concert expressionniste et profondément sincère, je me suis senti soulagé. voire apaisé. dans la rencontre qui suit, vous ne sentirez peut-être pas ces émotions particulières. mais comme moi, l’écoute du disque ou la lecture du livre ne vous laisseront pas indemne.

Dans Noir Désir, il y avait un penchant pour Nietzsche dans les textes, des allusions à Holderlin ou Maïakovski. On dirait que toi, comme les autres membres de Noir Désir, avez toujours voulu conjuguer la musique et la littérature. Etait-ce le cas et voulais-tu justement approfondir ce penchant grâce à ce disque ?

Serge Teyssot-Gay : Je crois que je n’ai pas choisi, en fait. C’est surtout ça. Je suis tombé sur le bouquin d’Hyvernaud, La Peau Et Les Os, et je n’ai pas choisi de m’y lancer. Au bout d’un moment ça s’est plutôt imposé comme ça, parce que rythmiquement c’est unique, mélodiquement aussi ce que ça peut amener comme développement ou comme idée dans tous les cas... Ca donnait plus qu’envie d’y aller. Je vois plutôt ça comme un besoin de pouvoir essayer de faire de la musique à partir de ce bouquin. Et donc ce n’est pas tant un choix que ça, mais ceci dit je pense que il y a énormément de choses à faire, avec des textes d’auteurs qui ne sont pas forcément des auteurs de chansons comme ceux de Bertrand -chanteur guitariste de Noir Désir-, par exemple, ou d’auteurs de chansons en général. C’est vrai que ce n’est pas le même boulot car il y a des textes qui ne sont pas pensés pour être mis en musique... Il y a des choses superbes à faire, c’est super ouvert. Il y a des auteurs qui ont un sens rythmique, peut-être écrivent-ils leurs bouquins en le disant...Je sais qu’il y a des gens qui font cela. Même le gueuler c’est pas mal, il paraît que ça fait quelque chose de voir comment ça sonne. Et c’est assez rare, je trouve, de tomber sur des auteurs comme Hyvernaud, c’est bouleversant, par ce qu’il raconte, et par son style, c’est génial.

Comment l’as-tu découvert ? Car Hyvernaud est méconnu et vient à peine d’être réhabilité par la sortie en poche du livre...

Par quelqu’un de très proche, qui m’as mis le bouquin dans les mains. Il était méconnu, La Peau Et Les Os a été très mal accueilli, et Le Wagon à Vaches, son deuxième roman, aussi, parce que c’était quelqu’un qui tombait mal en fait. Au sortir de la guerre -qui est sorti en 47-, lui a fait cinq ans de captivité dans les camps de prisonniers pour officiers, les oflags, et il se retrouve, pour survivre intellectuellement, à écrire, car c’est un mec qui aimait profondément ça, et qu’il était coupé de sa vie intellectuelle (écriture et lecture). Donc il se retrouve là-dedans avec cette espèce d’obsession du mot juste et que ce soit jamais empâté ou grandiloquent ou voyeur ou démonstratif... Démonstratif des fois ça l’est, comme pour Les Cabinets, il explique concrètement, ou l’enterrement dans les fosses communes à propos des Russes, c’est aussi descriptif, mais c’est très riche... Je mélange un peu tout. C’est ce qu’il a dans sa tête qui est intéressant, c’est au-delà des camps. Dire que c’est limité au camps, c’est trop réducteur dans tous les cas. c’est contemporain, il parle de l’enfermement au sens large, c’est quelque chose qui touche tout le monde, ou dans nos habitudes de tout les jours par exemple. et il a une façon de l’écrire qui est superbe, c’est extrêmement puissant, ça bouleverse et puis il touche aussi à la poésie des fois, c’est très beau. Avec un espèce de mélange de paroles qui sont très dures et après, presque comme si c’était presque trop dur, il part sur quelque chose de poétique, c’est superbe.

Quelle est la première émotion que tu aies ressenti quand tu as commencé le bouquin ?

Le bouleversement. Le bouleversement, c’est vraiment ça.

Au début du bouquin, il raconte qu’il rentre chez lui, et il y a une émotion vraiment particulière, la sensation de ne pas être à sa place finalement...

Oui, c’est vraiment ça. Tu l’as lu, donc.

En fait, je n’arrive pas à le terminer. Je bloque.

(il rit) Ah, c’est étrange. Ca te bouleverse trop ou ça te fait chier ?

Je trouve cela trop fort. C’est dur à supporter.

Moi je trouve que c’est un bouquin qui fait du bien, après être bouleversé. Entendre quelqu’un qui défend la vie comme la défend Hyvernaud. Alors c’est vrai que c’est terrible ce qu’il raconte, mai c’est super courageux, et puis tu sens qu’il est honnête, je trouve ça superbe. Et puis c’est tellement autre chose que les écritures de bouquins qui sont fades ou, au-delà des bouquins, en musique, les artistes qui s’autocensurent. Tout le monde trouve ça normal et tout le monde trouve ça très bien. C’est l’inverse qu’il faut se dire ! Hyvernaud c’est droit.

C’est précis, direct et en plus c’est intemporel. On le lit aujourd’hui et c’est aussi efficace qu’à l’époque.

Oui. A l’époque, c’était l’après-guerre et il fallait faire des héros. C’était important pour que le pays se redresse et il fallait que la France ait une image forte, et que les Français une bonne image d’eux-mêmes. Et Hyvernaud disait que ce n’était pas ça qui s’était passé, mais d’autres choses, qu’on était en train de reconstruire notre société et que ce n’était pas le rêve qu’on nous vendait qui allait faire qu’on serait obligé de le prendre et qu’on n’avait pas le choix... Normalement on a le choix même si on ne prend pas forcément le bon. Ou à force d’être gavé on ne va plus savoir qu’on a le choix et on va trouver ça normal. C’est affreux et on est là de toute manière. Il en parlait déjà à cette époque. Mais évidemment forcément il était mal accueilli. Les gens, après la guerre, ils n’avaient pas envie d’avoir les pensées d’un mec comme Hyvernaud. Ca faisait trop mal, je pense. il dérangeait dans tous les cas.

C’était l’homme à abattre ?

Non, pas à abattre, je pense que les gens s’en foutaient, c’est tout.

La femme de Georges Hyvernaud a rappelé que son mari pensait que la musique et la littérature allaient se lier un jour. Est-ce une pensée qui a conforté ton choix de mettre le bouquin en musique ? D’une certaine manière tu prolonges son travail ?

D’une certaine manière, c’est plutôt passer le relais de son écriture. J’ai vraiment ce sentiment-là. Hyvernaud, c’est quelqu’un qui aimait la musique, il aimait le théâtre -il faisait du théâtre, il en était professeur et montait une pièce chaque année avec ses élèves-, il écoutait des contemporains en musique aussi. C’était quelqu’un à la tête ouverte. Ca ne m’étonne pas qu’il pense... Tu vois, je ne connaissais pas cette idée-là qu’il avait de mélanger musique et littérature mais ce n’est pas étonnant.

Cette année, Jacques Gamblin a fait un spectacle qui s’appelle Lettre d’Oflag, à partir des carnets, de toutes les lettres qu’Hyvernaud envoyait à sa femme. L’as-tu vu ?

Non, j’en ai entendu parler. Jacques Gamblin a aussi fait des lectures de La Peau Et Les Os justement. Il a fait ça au festival des Nuits de la Correspondance à Manosque. J’y ai joué la veille les extraits de La Peau Et Les Os, et le lendemain il fallait que je sois à Bruxelles, aux Botaniques pour un duo de guitare avec un copain. Du coup je ne l’ai pas vu et j’aurais bien voulu le voir, parce qu’évidemment ça m’intéressait.

En fait, il avait, je crois, 120 lettres, et il a dû effectuer un choix évidemment, comme toi. Comment se sont fait tes choix ? Se sont-ils imposés d’eux-mêmes ?

Non, j’avais envie de faire tout le livre. Mais ça s’impose parce que je fais de la musique avant, je trouve un thème, que je développerai plus tard une fois le texte choisi ou que le texte se choisit -c’est plus cela-. Une fois que j’ai le thème, je prends le bouquin et ça s’impose en fait. J’essaye très vite des tas de passage, et il y en a un, c’est ça. Tu sais que c’est ça. C’est pas autre chose. Ca marche quelque part, tu sais que ça peut se développer, que ça peut se travailler, se construire, se faire évoluer... Je pense au morceau Les Cabinets, par exemple, à la description des chiottes, et puis il parle des gens, et à la fin, comme si c’était trop insupportable, "j’aimerais autant parler d’autre chose, parler de choses claires..." et puis il part et c’est plus poétique. Il parle de regards de vieilles dames, d’une écharpe, d’un peuplier au bord de la route. Il part complètement sur quelque chose de poétique. Musicalement ça suit, c’est le même thème mais c’est développé différemment, jusqu’à un point ou il estime que de toute manière, il n’y a plus rien. Donc c’est une vraie coupure et des fois j’image totalement le texte. Je mets vraiment la musique au service du texte.

Penses-tu que quand il faisait ce genre de digression c’était parce que c’était trop dur pour lui ou c’était parce qu’il envisageait à long terme d’être lu ?

La Peau Et Les Os est un roman, donc tu ne peux le penser de manière autobiographique. Il y a forcément le regard de l’écrivain, donc le détachement, parce qu’Hyvernaud écrivait avant d’être dans les camps. c’était quelqu’un qui aimait profondément ça. ce n’est pas par réaction, c’était juste pour rester en vie je crois... Mais... Je ne sais pas. Il aurait fallu lui demander. Mais quand il écrit par exemple, il parle de ses camarades et de lui-même, il parle de l’endroit dans lequel ils dorment, des couchettes, et ce qui lui passe par la tête, ce qu’il bouffe, pourquoi il est dans cet état-là, pourquoi il a mal au ventre, et puis après il pense à sa femme, il rêve... Et ça se termine par "ne pas penser à ça". Après, les phrases qui suivent sont super rythmiques. Comme si c’était un besoin volontaire de casser, et de partir sur quelque chose comme quelqu’un qui marche. Quelqu’un qui s’en va, qui marche. Il y a énormément ça chez lui. Ce qui permet des étirements dans les mots et dans la musique aussi, c’est super riche. Peut-être que le fait qu’il écrivait en marchant était très important, au bout du compte, puisqu’il écrivait en marchant. Donc c’est très rythmique.

Jacques Séréna, écrivain et animateur d’ateliers d’écriture en prison a déclaré : On cherche pas à faire joli en prison. Il y a une forme d’écriture qui tient à ces lieux d’enfermement. Es-tu du même avis ?

Je n’en sais rien, je n’ai jamais fait de prison.

Tu as peut-être lu des bouquins relatant des expériences similaires.

Non... Mais ceci dit, forcément... Hyvernaud, ce n’est pas forcément la prison physique, ça peut être la prison mentale. Et de toutes manières, on est tous bourré de prisons, qu’il faut faire péter. Mais forcément, si tu parles au mec qui est au fond de sa cellule, il est seul. Il a tout son temps pour réfléchir. Ca doit donner une pensée ou une écriture qui est forcément de plus en plus précise -j’imagine cela comme ça assez facilement-, ou très structurée pour ne pas péter les plombs. Enfin je n’en sais rien... il doit y avoir plein de choses à faire, forcément, quand tu es seul dans ta tête.

Pour les musiques, tu as composé après avoir bien lu La Peau Et Les Os ?

Oh, je connaissais le bouquin super bien, l’ambiance. Au bout du compte, je ne connaissais pas de phrase par coeur. C’est plus tard que ça vient, des fois je tombais sur des phrases qui me restaient et tu sens que ça peut se mélanger avec de la musique. Non, la musique, elle vient, elle monte. Si ça ne monte pas, c’est qu’il n’y a rien qui se passe, et donc il n’y a pas de musique, il n’y a rien. Alors c’est des thèmes qui sont ultra-simples à chaque fois, et puis tout le boulot c’est la construction après. C’est des choses qui jaillissent. Ca ne fonctionne que comme ça.

Tu as eu plusieurs manières de les traiter, il y a des passages qui sont très électriques et violents, d’autres plus acoustiques et violents également...

Ca vient du travail sur le texte que je fais. Et puis j’aime bien créer un univers musical qui soit un décor. Tu rentres dans un décor installé, et si tu trouves que c’est un décor qui t’invite à y rentrer, tu t’invites à te balader là-dedans, j’adore faire cela.

Quand tu parles de décor, tu veux dire que tu cherchais à accompagner les textes ?

C’est au sens propre. C’est poser une ambiance. Et puis travailler sur le texte.

J’ai l’impression que lire ces textes en public, c’est déjà installer tout un décor...

Oui ! L’écriture d’Hyvernaud permet cela toute seule. Après, c’est vraiment le mélange des deux.

C’est pour cela que je me demandais si tu avais cherché à accompagner ses textes ou à les compléter.

(silence) Je ne sais pas. Je suis incapable de répondre à ça. (il éclate de rire)

Par rapport à la façon dont tu as décidé de ne pas chanter le texte, mais d’utiliser un phrasé plutôt rap, proche de celui de NTM, ça s’est imposé de soi-même ? De toutes façons, tu ne pouvais pas le chanter.

Ca s’est complètement imposé. Sur les maquettes la musique était jaillissante, les textes et la façon de les dire l’étaient également. Ca tient un peu sur des choses comme ça, au départ. Et après, tout le boulot, c’est de revenir sur la musique et l’étoffer, la faire évoluer ; quant au texte, tout le boulot c’est de savoir quelle va être la bonne intention par rapport à ce que je suis en train de lire. C’est tout.

As-tu eu des difficultés à imposer ton projet à Barclay ?

C’est commercialement absolument pas vendable.

C’est absolument pas vendable, c’est absolument pas radiophonique... C’est incroyable de voir ça chez Barclay.

(il pouffe) Eh bien figures toi qu’il y a une super équipe qui a été à l’écoute de ce que j’ai fait, qui ont compris totalement le projet, qui l’ont très bien défendu, et je n’ai rien d’autre à dire que merci. Ca fait longtemps que j’entends cela. Et c’est une question qui est légitime. C’est bizarre de faire un projet comme ça dans une multinationale. Ce serait plus normal sur un petit label . J’entends cela. Parce que tu dois te dire que sur un petit label, les gens sont peut-être plus sensibles à ce genre d’univers vraiment très spécial, ou alors, c’est quelque chose qui les intéresse, ce n’est pas commercial mais c’est une démarche artistique qui les intéresse vraiment... Mais il se trouve que tu peux tomber sur des gens qui ont des petits labels qui veulent faire des "coups" seulement.

Ce n’est pas leurs qualités humaines que je remettais en question. C’est directement le rapport à l’argent.

Je sais pas. Ca leur a plu et ils ont voulu le faire. Tant mieux.

Le support de France Culture, c’est quelque chose à quoi tu t’attendais ?

Un jour, je me suis retrouvé dans le bureau d’un écrivain, Bernard Colon parce qu’il est aussi écrivains, je lui parle d’un projet avec le guitariste Marc Sens, et on devait faire de la guitare pendant deux heures, en direct sur France Culture, avec Jean-François Stévenin qui doit lire Paysages Avec Palmiers, un bouquin de Bernard Wallon. On se retrouve avec Bernard Colon à discuter de toute la tendance, et on discute. Je lui raconte que j’ai un projet, La Peau Et Les Os d’Hyvernaud. Et là, il me dit qu’il connaît bien, et après avoir vu ce qu’on avait fait avec Marc, il me dit "quand tu veux, on le fait à France Culture". Et puis il y a eu une grosse émission de faite sur Hyvernaud, avec Lydie Salvayre, qui est écrivain, Bertrand Leclair aussi, et moi aussi vu que c’était aussi sur mon boulot à travers l’album. C’était une heure et demie d’émission là-dessus et c’était super.

Tu as fait le choix de tourner d’abord dans les facs. Penses-tu que le public étudiant est plus réceptif, ou bien souhaitais-tu le toucher justement parce qu’il est jeune et moins impliqué ?

C’était pas si calculé que ça. Ca s’est présenté comme ça. Je ne pense pas que ce soit très intéressant en concert ce que je fais (ndlr : lors du concert, serge pose sa voix sur la musique du disque, il n’y a pas de musiciens et lui-même ne fait que lire les textes), ce dont j’ai parlé à Barclay. Donc pourquoi ne pas faire des lectures en fac, en considérant que j’ai envie de faire connaître Hyvernaud un peu mieux ? Si il y avait des facs intéressées, à mon avis ça devait plus passer par les profs de français, qui eux-mêmes connaissent Hyvernaud, et on pourrait peut-être faire quelque chose après le spectacle qui serait une rencontre entre moi et d’autres intervenants (profs d’histoire pour situer dans le contexte, des gens qui connaissaient Hyvernaud et l’appréciaient, ...). Ca a donné lieu à des sortes de débats, je ne sais pas comment on peut appeler cela, des rencontres -ce serait beaucoup plus juste- avec les étudiants. C’était vraiment passionnant des fois d’en entendre certains parler, ou des profs. J’ai rencontré des gens qui étaient des anciens élèves d’Hyvernaud, qui étaient profs eux-mêmes, profs à la retraite. C’est tout un univers assez riche. C’est bien, c’est vivant. On échange beaucoup de choses et c’est bien !

Le film Autopsie D’Un Mensonge - Le Négationnisme de Jacques Tarmero vient de sortir. Que penses-tu de ce mouvement de pensée ?

C’est n’importe quoi, faut pas déconner. Nier l’existence des camps, c’est affreux. c’est criminel.

Y a t’il une phrase dans le bouquin d’Hyvernaud qui te marquera toujours ?

Je ne sais pas. C’est trop riche Hyvernaud. Je ne sais pas. J’ai juste appelé mon album On Croit Qu’On En Est Sorti parce l’histoire se répète et c’est donc toujours aussi contemporain. C’est vachement présent.

D’ailleurs cet album devait s’appeler Hiver au début...

Comment tu as eu cette info ?

Je ne me souviens plus.

Oh, c’est rigolo ! Ca m’avait traversé la tête, c’est tout ! C’était juste une idée, qui était une mauvaise idée... (il éclate de rire)

interview stéphane
lille aéronef 02/01
Autres directions

(lien dans le commentaire)

3 commentaires:

EdkOb a dit…

http://sharebee.com/10ea112a

Alboume vital, livre essentiel.
Achetez l'alboume et le livre.
Ecoutez, lisez.

Anonyme a dit…

Merci Edkob!
Je l'ai égaré, celui-ci, et il me manquait.
Le livre… bien plus marquant encore.
Au plaisir,

Polly-Esther

EdkOb a dit…

Les amiEs de passage me font revenir parfois sur mes pas.
Pour mieux prendre la mesure de toutes ces voies nombreuses, entêtantes, chaleureuses et qui, parfois, témoignent d'un passé douloureux.

Salut Polly.