Une mélodie d’Annette Peacock est un poison qu’on déguste dans le désœuvrement, un marqueur précis de la pulsion de mort. On peut aussi s’y abreuver comme les âmes épuisées venaient au Léthé boire le philtre d’oubli, renaissant vierges du savoir douloureux de la vie. Ouvrant sur la perspective infinie d’un perpétuel recommencement, soustraites au tempo comme à l’obligation d’un accomplissement, elles flottent dans une durée abstraite, ombrées d’accords nuageux, retenues par le fil d’une voix fragile, à peine réelle. Et pourtant. Ce peu de réalité est toute la réalité. Cette lisière incertaine où le vivant confère avec les puissances d’outre-tombe, la seule scène où se puisse jouer avec quelque sens la comédie de l’existence dans le coudoiement du vide. Cette voix qui s’absente du drame sans se renier comme voix a-t-elle sa semblable ; en connaît-on une autre qui, comme détachée tout à fait de lui, entretienne avec son propre corps le commerce d’un vis-à-vis ? Dans ce fascinant jeu de miroirs qui ne reflètent rien sinon l’abîme d’une passion sans objet (ou qui l’excède infiniment) condamnant toute psychologie -donc toute traduction chantée des affects-, la voix se découvre purement musique. Point, certes à la manière baroque, dans l’ivresse de l’ornement, mais, si l’on peut dire, spectralement. Un dispositif immuable l’enveloppe comme son corps subtil : le quatuor travaille à l’estompe, grise la monodie de fins camaïeux, et le piano prolonge de points de suspension les derniers mots, les accompagne au seuil du vertige. Jamais -jamais !- cordes n’avaient connu telle écriture, pénétrante, sobre, nécessaire. Nothing ever was, anyway de Marilyn Crispell a rappelé ce que doit le jazz moderne à sa muse énigmatique et distante. Annette Peacock lui a inspiré, du dehors, quelques-uns de ses plus beaux moments. D’émoi, cela va sans dire.
P.-L. Renou - Chronic'art
P.-L. Renou - Chronic'art
Après douze longues années de retraite et de silence phonographique quasi intégral, Annette Peacock, anti-star secrète et mythique de l’underground new-yorkais des années psychédéliques, revient au premier plan avec un disque inattendu, recueil somptueux et mélancolique de chansons intimistes à la séduction vénéneuse. Seule au piano, accompagnée simplement d’un quatuor à cordes, la chanteuse susurre ses “free songs” décalées d’une voix fragile, drôlement détimbrée, et captive par la familière étrangeté qui se dégage finalement de cette œuvre hors temps, faussement sage sous ses atours maniéristes. lesinrocks
Annette Peacock a quelque chose de spectral dans sa grâce fragile et évanescente, comme une absence abyssale derrière le pâle sourire nostalgique et l’éclat clair du regard. Comme si, à force d’avoir été si longtemps en avance sur son temps au point d’en fréquenter souvent les marges, elle avait fini par atteindre un point particulier de son espace mental où plus rien dorénavant n’aurait de prise sur elle - surtout pas le cours des années, ni le brouhaha du monde alentour. Stéphane Ollier
« J’ai rencontré Gary Peacock alors qu’il était en tournée sur la Côte Ouest. J’avais 19 ans. On s’est marié très vite à Las Vegas et, du jour au lendemain, je me suis retrouvée plongée dans le petit milieu du jazz avant-gardiste new-yorkais. Je m’y suis sentie aussitôt comme chez moi. Il y avait là une véritable effervescence créatrice, tout un tas de personnalités extraordinaires se côtoyaient et s’influençaient. Parmi nos proches, on trouvait aussi bien Paul et Carla Bley que Paul Haines ou Timothy Leary…Puis j’ai rencontré Albert Ayler. Ça a été un choc esthétique définitif. Il était l’exemple vivant de ce à quoi un artiste doit tendre : trouver sa propre voix avec passion, dévotion.
À ses côtés, j’ai compris que quiconque aime et respecte la musique doit chercher à parler son propre langage, à être au plus près de sa vérité, quel que soit le prix à payer. On est devenu de grands amis, très complices. ». Annette PEACOCK
Après plus d'une décennie de silence, Annette Peacock nous revient enfin avec un disque d'une magnifique pureté. Cette pionnière fut, aux côtés de Paul Bley (qui interpréta nombre de ses compositions), l'une des premières à intégrer l'électronique à la musique jazz. Avant-gardiste exceptionnelle, spécialiste de l'improvisation vocale, elle signe, avec An Acrobat's Heart, un album relativement classique selon ses propres standards. Elle aurait pu se contenter de s'accompagner seule au piano (ce qu'elle fait ici très sobrement), ce qui aurait servi à merveille ces intimes réflexions sur l'amour (ou l'absence de). Elle a pourtant signé des arrangements d'une mélancolie à vous couper le souffle pour le Cikada String Quartet. Ne serait-ce de cette drôle de voix difficile, presque parlée, tellement fragile et imposante à la fois, et de cette franchise toute nue dans l'émotion, on pourrait presque croire que ces compositions sont des standards de jazz oubliés. Peut-être que dans 20 ans, on les considérera comme tels. Nicolas Tittley
Annette Peacock a quelque chose de spectral dans sa grâce fragile et évanescente, comme une absence abyssale derrière le pâle sourire nostalgique et l’éclat clair du regard. Comme si, à force d’avoir été si longtemps en avance sur son temps au point d’en fréquenter souvent les marges, elle avait fini par atteindre un point particulier de son espace mental où plus rien dorénavant n’aurait de prise sur elle - surtout pas le cours des années, ni le brouhaha du monde alentour. Stéphane Ollier
« J’ai rencontré Gary Peacock alors qu’il était en tournée sur la Côte Ouest. J’avais 19 ans. On s’est marié très vite à Las Vegas et, du jour au lendemain, je me suis retrouvée plongée dans le petit milieu du jazz avant-gardiste new-yorkais. Je m’y suis sentie aussitôt comme chez moi. Il y avait là une véritable effervescence créatrice, tout un tas de personnalités extraordinaires se côtoyaient et s’influençaient. Parmi nos proches, on trouvait aussi bien Paul et Carla Bley que Paul Haines ou Timothy Leary…Puis j’ai rencontré Albert Ayler. Ça a été un choc esthétique définitif. Il était l’exemple vivant de ce à quoi un artiste doit tendre : trouver sa propre voix avec passion, dévotion.
À ses côtés, j’ai compris que quiconque aime et respecte la musique doit chercher à parler son propre langage, à être au plus près de sa vérité, quel que soit le prix à payer. On est devenu de grands amis, très complices. ». Annette PEACOCK
Après plus d'une décennie de silence, Annette Peacock nous revient enfin avec un disque d'une magnifique pureté. Cette pionnière fut, aux côtés de Paul Bley (qui interpréta nombre de ses compositions), l'une des premières à intégrer l'électronique à la musique jazz. Avant-gardiste exceptionnelle, spécialiste de l'improvisation vocale, elle signe, avec An Acrobat's Heart, un album relativement classique selon ses propres standards. Elle aurait pu se contenter de s'accompagner seule au piano (ce qu'elle fait ici très sobrement), ce qui aurait servi à merveille ces intimes réflexions sur l'amour (ou l'absence de). Elle a pourtant signé des arrangements d'une mélancolie à vous couper le souffle pour le Cikada String Quartet. Ne serait-ce de cette drôle de voix difficile, presque parlée, tellement fragile et imposante à la fois, et de cette franchise toute nue dans l'émotion, on pourrait presque croire que ces compositions sont des standards de jazz oubliés. Peut-être que dans 20 ans, on les considérera comme tels. Nicolas Tittley
(lien dans le commentaire)
5 commentaires:
Annette Peacock
an acrobat's heart
http://www.mediafire.com/?fmoivxzxzjy
bonne écoute, en passant
Thanks for sharing Annette Peacock. I love to listen to her!
brilliant stuff, thanks for making this available, and the art bears.. always wanted to hear what annette peacock sounded like.. love the art bears photo of the guys reclining.. wonderful choices.. spidernaut
more annette!
an acrobat's heart is my only one alboume
good listening
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