13.8.06

3 - Je n'ai jamais su ce qui se cache derrière




















Possibles.
Silences mis en scène, mots en sons.

Ne pas minimiser les impacts.
S'il faut un début, pourquoi pas sous un ciel puissant ?

1 commentaire:

Anonyme a dit…

En ce début de soirée du 18 août 1783, les nuages courent sur la lande enflammée. Le petit Luke a onze ans. Debout sur une colline de L’Oxfordshire qui domine la Windrush river, le garçonnet tête en l’air observe des cieux obscurcis par les cendres des éruptions de l’Eldeyjar et de l’Asama Yama. Une météorite en feu traverse le ciel. Sa décision est prise : il sera pharmacien.

Les pharmaciens ont ceci de commun avec les taxinomistes qu’ils aiment les tiroirs. Dans les nuages, Luke a décidé de ne pas s’égarer. Il faut ranger l’éphémère, baliser le provisoire, nomenclaturer le fugitif. La bourgeoisie est devenue la classe dominante, il faut remettre de l’ordre dans tout ça. Et fussent-ils sur la Vénus de Milo, les capitalistes apprécient les tiroirs. Carl von Linné a montré la voie.

L’imagination n’est pas la chose du monde la mieux partagée : dans ces nuées où d’aucuns reconnaissent un chameau ou le déroulement du naufrage de l’Invincible Armada, d’autres ne perçoivent qu’une pomme de terre. « Il faut une idée préconçue pour voir », dit Charles Cros. Luke Howard, lui, éprouve le besoin de baptiser les choses pour les saisir. Ce qui ne s’énonce pas clairement ne se conçoit pas bien. Nommer, c’est créer. Ce n’est pas Dieu qui me démentira. Ni Mallarmé, gonfalonnier du Verbe. La Nature imite l’Art et s’ordonne suivant les prescriptions de la Science.

Et la Science parle latin. Cumulus, stratus, cirrus et nimbus, voilà du latin bel et bon. Amoncellement, épandage, boucle et averse, vulgairement. La chose se compliquera par la suite. On inventera des sous-catégories, et des sous-sous-catégories. Et pinailleries de se faire jour. Polémiques de se développer. Néphélobates de retomber sur terre.

Pour l’heure, 1803, Luke Howard présente à la Royal Society les résultats de ses travaux et s’applique à rédiger son Essay on the Modification of Clouds. Il n’est que temps :l’année précédente, Lamarck a publié en français ses travaux sur la classification des nuages et John Constable exposé ses premières toiles : des nues. Au dos de celles-ci, les lieu, date et heure de la scène représentée. Constable,le peintre-météorologiste.

Mouvante, changeante, incertaine jusque là, la nue est domptée. Elle a trouvé son maître. Ne lui reste plus qu’à se conformer aux lois de sa catégorie. Le ciel est stable. Ou presque. Luke Howard ne peut pas savoir qu’un nuage de lui inconnu va cent quarante-deux ans plus tard déployer sa riante corolle dans le ciel d’Hiroshima. Au mois d'août.