19.8.06

15 - Rappeur ou Premier Ministre, c'est très différent

Un jour, un élu UMP des Pyrénées orientales décida de porter plainte, contre un rappeur (tiens, je m'ennuie un peu ces temps-ci…) : Monsieur R (alias Richard MAKELA) devant le tribunal de Melun pour insulte à la République et «diffusion de message violent, pornographique ou contraire à la dignité accessible à un mineur».

Ils sont marrants, ces élus, à se prendre ainsi au sérieux. Ils comblent peut-être un vide, celui d'exister autrement que par la perpétuelle politique anti-aspérité qu'ils mènent sans relâche. Tous pareils, et les tribunaux enfin seront préservés des "saintes" colères des élus. Mais avant de nous rendre tous pareils, il y a du boulot. Et pareil comment, hein ? J'ai ma petite idée…

Voyons, ce rappeur a fortement "choqué" l'élu des Pyrénées qui a du recevoir tellement de plaintes de "ses" administrés, en pleine nuit, qu'il s'est décidé à agir contre le rappeur. Ca occupe, non ? Et ça change de l'ours (je ne sais pas s'il ya des ours dans les Pyrénées orientales, mais si ce n'est pas le cas, vous remplacez "ours" par tout autre sujet plus chaud : chômage, précarité,...). Il est plus facile de mener un rappeur au tribunal que de se faire une opinion au sujet de l'ours. Alors haro sur le rappeur.

Avant de citer les passages heurtant la sensible âme pure et flottante de cet élu, osons une théorie, comme ça. Admettons qu'un rappeur use de la métaphore, disons comme tout autre artiste. Après tout, les si pâles clones jeunes et déjà usées qui reprennent des "textes" dans des télévisées programmes vides usent aussi de la métaphore (mais peut-être sans le savoir), celle des textes qu'ils massacrent, pourquoi dénier cette figure de style à un rappeur ?

Or, ce rappeur est poursuivi pour des paroles d'une chanson (nomme t'on "chanson" un texte chanté / parle d'un rappeur ?) extraite de l'album Politikment Incorrekt, paroles qui disent «La France est une garce, n'oublie pas de la baiser jusqu'à l'épuiser, comme une salope faut la traiter, mec.»

Voici ce qu'a dit ce rappeur à la barre : "En tant qu'artiste, j'utilise des métaphores. Quand Brassens dit : "J'aime les gendarmes sous forme de macchabée", ça n'en fait pas un tueur de gendarme. J'espère que la liberté d'expression vaincra et que les artistes se sentiront libres d'écrire leurs textes, parfois violents c'est vrai, mais la vie des cités est violente".

Son avocate, Maître Dominique Tricaud a précisé la métaphore, des fois que les personnes en charge d'estimer l'outrage ressenti par l'élu des Pyrénées orientales n'arrivent pas à saisir le sens de ces paroles : «Monsieur R nous dit que la France est une mère indigne qui a laissé ses enfants sur le trottoir, et c'est tout naturellement que ces propos sont illustrés par des images de femmes indignes.»

Je ne sais pas où en est le résultat de la plainte de l'élu des Pyrénées orientales, ni le résultat sur ce rappeur. En revanche, je vois bien que la liberté d'expression, sournoisement, en prend un sacré coup.

Souvenons-nous des mâles paroles d'un ministre premier, il n'y a pas si longtemps. "La France a envie qu'on la prenne. Ça la démange dans le bassin. ...". La métaphore est très claire, pour l'adulé et autoproclamé "poète" d'état : la France est une prostituée, juste "bonne" à être prise.

Entre les enfants de la France "laissé sur le trottoir", donc à l'abandon selon Monsieur R, et cette "France qui a envie qu'on la prenne", comme une prostituée, selon De Villepin, seuls les propos de Monsieur R choquent notre élu des Pyrénées orientales.

Pas de commentaires sur le choqué élu, ni sur les mâles paroles de De Villepin.